Archives départementales des Yvelines

Fin de chantier à Senneville : la mise en lumière du temple protestant

L'achèvement des travaux de restauration du temple protestant de Guerville en janvier 2024 a mis en lumière l'intérêt patrimonial de ce modeste édifice du XIXe siècle. Soutenue par le pôle sauvegarde et transmission des patrimoines (PSTP) du Département des Yvelines, cette initiative s'inscrit dans le cadre des dispositifs visant à préserver le patrimoine bâti.

Un édifice modestement significatif

Le temple protestant de Senneville, ©CD78, Francesco Guidoboni
Le temple protestant de Senneville, ©CD78, Francesco Guidoboni

Situé rue des Trots Cornets dans le hameau de Senneville, commune de Guerville, ce petit édifice sans prétention, construit entre 1835 et 1837, offre un éclairage unique sur le passé mouvementé des habitants du hameau de Senneville.

Un conflit local à l’origine de dissensions religieuses

Le temple protestant de Senneville en 1899. Extrait de : Guerville, Monographie communale de l’instituteur, 1899, AD78, 1T/MONO 5 [14]
Le temple protestant de Senneville en 1899. Extrait de : Guerville, Monographie communale de l’instituteur, 1899, AD78, 1T/MONO 5 [14]

Dans les années 1830, Senneville a été le théâtre d'événements religieux étonnants, marqués par un conflit entre les habitants de Senneville et l'abbé Glochon, curé de Guerville. La raison exacte de ce différend demeure inconnue. La monographie communale indique toutefois que le curé de la commune refusa d'enterrer des morts en 1835, une décision qui aurait déclenché le conflit. Une autre source mentionne qu'il exigea une redevance spéciale pour dire la messe à Senneville.

En signe de contestation, la majorité des habitants de Senneville a adhéré à un nouveau mouvement schismatique connu sous le nom d’« Eglise catholique française » (aussi appelé « Eglise évangélique française »), fondée après la révolution de 1830 par l'abbé Ferdinand François Châtel et un de ses suiveurs, l’abbé Auzou, et dissoute en 1843. Ce mouvement réformiste plaidait pour la réforme du catholicisme romain sans renversement total, mettant l'accent sur la contestation de l'autorité papale et l'utilisation du français dans les cérémonies, reflétant également des idées proches de certaines formes de pensées libérales et sociales de l'époque.

Les habitants de Senneville sollicitèrent l'intervention du député Odilon Barron pour mettre fin aux maux causés par la conduite des prêtres catholiques romains. Ils demandèrent un desservant qui célèbrerait selon le rite évangélique français et réclamèrent la séparation de Senneville et Guerville, l'érection du hameau en commune et celle de la chapelle Saint-Jean en paroisse. En 1836, leur demande fut rejetée, mais ils persistèrent en s'adressant à l'abbé Heurtault, curé de l'église évangélique française de Boulogne, pour l'envoi d'un prêtre français à Senneville. Les deux premiers furent les abbés Marandel et Laverdet.

Face à l'exiguïté de la chapelle, les habitants décidèrent de construire un nouveau temple. Cet édifice simple, sur plan rectangulaire, muni d’une entrée en pignon surmontée d’un petit clocher, fut érigé en environ un mois.

N'étant pas officiellement reconnue comme une religion au niveau national, l'Eglise catholique française a bénéficié d'une tolérance locale pendant un certain temps. Cependant, l'envoi d'un nouvel abbé en 1837 a attiré l'attention du Préfet, entraînant une perturbation du culte de Senneville par les autorités municipales. Suite à un procès retentissant au cours duquel M. Barrot prit la parole à Mantes, l'abbé Laverdet fut accusé du port illégal de costume et de prosélytisme, entraînant la fermeture du temple de Senneville par le maire sous l'inculpation d'association illicite. Ainsi, les prêtres français furent contraints de quitter la commune.

Malgré cela, les habitants du hameau ne se hâtèrent pas de rétablir les relations avec l’église catholique, et de nombreux habitants se tournèrent vers le protestantisme. Cette nouvelle scission divisa la population entre ceux retournant au catholicisme et ceux adoptant la religion protestante. Les tensions religieuses perdurèrent au sein de la commune, comme en atteste l'intervention militaire qui eu lieu lors de la fête de la Saint-Jean en 1840. Le Temple, désormais protestant, rouvrit en 1842 et une école protestante fut créée en 1843. 

Restauration du temple : sauvegarde du patrimoine

Bien que le temple ne soit pas protégé au titre des monuments historiques, il est mentionné dans le PLUi (Plan local d'urbanisme intercommunal) du Grand Paris Seine et Oise en tant qu'édifice remarquable du patrimoine urbain et rural (78291_PAT_019). 

Grâce au dispositif "Entretien du patrimoine rural", permettant aux communes de prévenir la dégradation de leur patrimoine avec le soutien financier du Département, le temple a été inclus dans le carnet d'entretien. Il s'agit d'un diagnostic sanitaire complet réalisé par le chargé de mission Patrimoine rural du PSTP, engendrant chaque année des opérations consécutives d'entretien.

La campagne de restauration, lancée fin 2023, a fait appel à l'architecte du patrimoine, Claude Jeffroy. L'édifice présentait des risques sérieux d'effondrement avant l'intervention. Les travaux ont été indispensables pour remédier à ces problèmes structurels et assurer la pérennité du temple. Une attention particulière a été accordée à la conservation des enduits extérieurs, résolvant les problèmes de stabilité de la maçonnerie et les fissures importantes au-dessus de l'arc de la porte. Les travaux d'entretien ont concerné le pignon nord, la façade ouest et la toiture versant ouest. Cette opération a permis de préserver l'intégrité de l'édifice en respectant sa valeur historique et patrimoniale.

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