Découverte du mois de Décembre
Il y a quelques mois seulement, l’Allégories de la Seine-et-Oise et de la Ville de Versailles était restaurée dans nos murs
20 ans, et bientôt 21 !
2024 nous aura permis de célébrer le vingtième anniversaire du bâtiment des Archives départementales des Yvelines, qui accueille également le service Seine et Yvelines Archéologie et le Pôle Sauvegarde et Transmission des Patrimoines. Dès l’origine, cet édifice a été conçu pour rassembler les activités de ces trois services patrimoniaux et abriter les collections dont ils ont la charge. Côté Patrimoine, deux grandes spécificités : un laboratoire de restauration et le dépôt des Antiquités et Objets d’Art. Le laboratoire permet d’accueillir les très grands formats ou les œuvres particulièrement fragiles, et le dépôt est gracieusement mis à disposition des communes pour abriter leurs œuvres durant des travaux.
Cette année s’achève mais l’histoire continue. Il y a quelques mois seulement, une Allégorie de la Seine-et-Oise peinte par Guillaume Dubufe, et destinée à la salle des Séances de l’hôtel du Département, était restaurée dans notre laboratoire.
Une allégorie IIIe République dans un décor Napoléon III
L’hôtel de la Préfecture de Versailles fut édifié entre 1863 et 1866 à l’emplacement de l’ancien chenil du roi par un architecte versaillais, Amédée Manuel (1814-1891), à l’initiative du préfet Claude-Joseph-Brandelys Green, comte de Saint-Marsault (1807-1866). Il fut inauguré le 19 juin 1867 par le préfet San Benedetto Jules Priamar Boselli (1810-1878). Le fronton triangulaire qui couronne l’avant-corps central du bâtiment est orné d’un bas-relief sculpté par Georges Posper Clère (1829-1895) et figurant la Seine et l’Oise personnifiées, en référence au Département créé en 1790.
La salle des Séances, également in augurée en 1867, bénéficie d’un décor opulent, avec un plafond de ciel peint en trompe-l’œil, bordé de motifs végétaux et architecturaux et des corniches sculptées et dorées. Les ors sont réchauffés par le rouge des rideaux et des panneaux ; et l’éclairage naturel est complété par trois grands lustres à pendeloques de verre et six appliques. Le panneau faisant face à la cheminée est au départ surmonté, selon l’usage, d’un grand portrait de Napoléon III, probablement copié d’après le portrait officiel en pied réalisé par Franz-Xaver Winterhalter (1805-1873) en 1853 et disparu dans l’incendie des Tuileries durant la Commune. Certainement déposé peu après la chute de l’Empire, ce tableau ne fut vraisemblablement remplacé qu’en 1895, ainsi qu’en témoigne la date portée sur l’œuvre de Dubufe.
Le tableau figurant les Allégories de la Seine et Oise et de la Ville de Versailles fut certainement commandé à l’initiative de Pierre Elie Gentil (1852-1911), préfet de Seine-et-Oise entre 1893 et 1898, ce qui lui valut de recevoir un brevet d’officier de la Légion d’honneur. La commande fut adressée à Guillaume Dubufe (1853-1909). Issu d’une famille d’artiste, ce dernier était le petit-fils de Claude-Marie Dubufe (1790-1864) et le fils d’Edouard Dubufe (1819-1883), l’un des plus célèbres portraitistes du Second Empire. Guillaume Dubufe fut notamment l’élève d’Alexandre Cabanel (1823-1889) à l’École des beaux-arts de Paris. Il fut donc formé dans la plus pure tradition académique, ce qui lui permit de recevoir de nombreuses commandes officielles : plafonds de la galerie Lobau à l’hôtel de ville de Paris (1891), de la salle des fêtes du palais de l’Élysée (1894), de la bibliothèque de la Sorbonne (1896). En 1900, il peint le panneau Lyon pour la grande salle du restaurant de la gare de Lyon à Paris, Le Train bleu.
Dans le tableau réalisé pour la Préfecture de Versailles, Guillaume Dubufe a représenté la Seine et son affluent, l’Oise, sous la forme de deux jeunes filles coiffées d’herbes aquatiques et de fleurs, drapées de bleu et de jaune. L’une d’elles – Est-ce la Seine ? – tient un vase à l’Antique d’où s’écoule de l’eau. Elles prennent place dans un ciel nuageux dominant le parc et le château de Versailles. Au premier plan, un enfant, sorte de putto moderne, présente le blason de la ville de Versailles, d'azur aux trois fleurs de lys d'or, au chef d'argent chargé d'un coq bicéphale issant au naturel, accompagné d’un rameau d’olivier Notez qu’en ce début de Troisième République, l'écu n’est pas timbré de la couronne murale d'or des villes royales. C’est Vincent, le plus jeune fils du peintre, âgé de six ans, qui a pris la pose. Autant les deux figures allégoriques ont été esquissées à grand trait par l’artiste, autant le portrait de l’enfant a été exécuté avec soin et délicatesse par le père. Devenu peintre et architecte, Vincent Dubufe s’engage dans l’armée à l’issue de son service militaire et est envoyé au front durant la Grande Guerre. Il s’écrase en service commandé, aux commandes de son avion, le 8 mars 1916, au-dessus du Plessis-Belleville (Oise).
Bien que le tableau ait fait l’objet de plusieurs restaurations antérieures, malheureusement non documentées, ses couleurs s’étaient considérablement affadies sous l’effet du vieillissement du vernis, jauni et épaissi. La toile était par ailleurs déchirée en plusieurs endroits. Après restauration, cette peinture a retrouvé tout son éclat et sa place au sein de la salle des Séances du Département des Yvelines, elle-même rénovée.
La restauration du décor de la salle des Séances
Décidée en 2023, la modernisation de la salle des Séances s’est accompagnée de la restauration du décor Second Empire. Pour cette opération, le Pôle Sauvegarde et Transmission des Patrimoines de l’agence Ingéniery a apporté son expertise à la Direction des Bâtiments. La Salle des Séances, bien que rénovée à plusieurs reprises, avait souffert du passage du temps : le décor était encrassé, jauni, usé par les frottements. À cela s’étaient ajoutés deux dégâts des eaux en 2020 et 2023, qui avaient affecté le plafond et les combles au-dessus.
Entre octobre 2023 et fin janvier 2024, six restaurateurs de spécialités différentes (peinture, sculpture, dorure) ont donc travaillé simultanément dans la salle. Le chantier a été mené en coordination avec les autres intervenants : menuisiers et électriciens. La découverte de champignons dans un angle de la pièce a malheureusement nécessité l’interruption du chantier, l’intervention d’une entreprise de désinfection et la réalisation de nouvelles boiseries. Bien que complexe, ce chantier a été mené à bien en quatre mois, permettant ainsi à l’assemblée départementales de reprendre au plus vite ses délibérations dans les meilleures conditions.
Restauration
Décors sculptés et cheminée : Barbara Donati (Mandataire)
Plafond, murs et boiseries : Atelier Marc Philippe
Lustres et appliques : Etablissement Chant-Viron
Tableau : Siuan Calandri
Texte
Helga Briantais Rouyer, conservateur délégué des Antiquités et Objets d’Art, Pôle Sauvegarde et Transmission des Patrimoines
Françoise Lefebvre, documentaliste, Pôle Sauvegarde et Transmission des Patrimoines
Photographies
B. Donati, C. Garguelle, F. Lefebvre, A. Pierre et P. Weité.
Pour en savoir davantage :
- Histoire du bâtiment - La préfecture des Yvelines - Services de l'État - Les services de l'État dans les Yvelines
- GENTIL Pierre Elie - Légion d'honneur - Base de données Léonore
- Guillaume Dubufe (35766) | Musée d'Orsay
- La Salle des fêtes | Élysée
- Rechercher dans les bases nominatives - Mémoire des hommes