Archives départementales des Yvelines

Découverte du mois de Février

Saint-Pierre-Saint-Paul de Saint-Martin de Bréthencourt : une église confrontée à la menace de la mérule

L'église Saint-Pierre-Saint-Paul de Saint-Martin de Bréthencourt, témoin de près de neuf siècles d'histoire, fait aujourd'hui face à la menace de la mérule, également dénommé « pourriture brune », un champignon destructeur du bois. Pour sauver ce monument, la commune a engagé un programme de travaux avec le soutien du Pôle Sauvegarde et Transmission des Patrimoines (PSTP). Retour sur l'histoire de cet édifice et les efforts déployés …

Les origines de l’église

Située à une soixantaine de kilomètres au sud de Paris, l’église paroissiale de Saint-Martin de Bréthencourt trouve ses origines à la fin du XIesiècle.

C'est vers 1080 que Gui Ier, surnommé Le Rouge, seigneur de Rochefort, et son épouse Adélaïde font don de ces terres à l'abbaye de Marmoutier de Tours. Ce geste fondateur permet la construction d'un prieuré bénédictin à Bréthencourt, et l’église voit probablement le jour à la fin de ce même siècle.

Proche du pouvoir royal, en particulier du roi Philippe Ier, Gui Ier choisit Bréthencourt pour construire un château-fort. Le seigneur de Rochefort et son épouse soutiennent volontiers la fondation d’établissements religieux sur leurs terres. Ils auraient ainsi été également à l’origine de la construction de l’église de Saint-Arnoult en Yvelines. Les deux édifices présentent d’ailleurs des similitudes : des arcs fourrés[1] et des chapiteaux trapus.

Au XIIIe siècle, l'évêque de Chartres prend en charge la collation[2] de Saint-Martin-de-Bréthencourt, et jusqu’au milieu du XVe siècle, le prieuré prospère. L’église change ensuite de statut, et devient paroissiale.

La châtellenie de Bréthencourt passera elle sous le contrôle de la famille de Vendôme, puis des Rohan-Rochefort.

Durant la Révolution, l’église est désacralisée et vendue comme Bien national. Elle est ensuite rachetée par une famille fortunée, qui occupe les terres de l’ancien prieuré, avant que l’édifice ne soit rendu au culte quelques années plus tard.

L’église a été inscrite au titre des Monuments historiques par arrêté du 25 mai 1977. Cette inscription concerne également les « restes attenants du prieuré au sud du chevet ». Aujourd’hui, l’église et les restes du prieuré appartiennent à deux propriétaires distincts, la commune et un particulier.

[1]Un arc fourré est un arc dont l'extérieur est fait de belles pierres bien taillées, mais dont l’intérieur est rempli avec des matériaux plus simples, comme du mortier ou des petits blocs. Cette technique permet de construire des arcs solides tout en réduisant les coûts et le poids de la structure. Elle était souvent utilisée dans l’architecture romane.

[2] L'acte de conférer un bénéfice ecclésiastique, une fonction ecclésiastique.

Les transformations de l’église à travers les siècles

L’église Saint-Pierre-Saint-Paul s’inscrit dans la tradition des églises rurales romanes de la région, tout en présentant un site et une architecture atypiques, liés aux transformations subies au fils du temps.

Dès le XIIe siècle, des bas-côtés sont ajoutés de part et d’autre de la nef centrale, donnant ainsi à l’église une dimension plus vaste et complexe. Au XVesiècle, après avoir subi une destruction partielle, l’église est en grande partie reconstruite. Un clocher gothique, massif et de forme carrée, caractéristique de l’architecture du sud des Yvelines, est ajouté. Un clocher similaire se trouve à Allainville, à quelques kilomètres seulement de Saint-Martin-de-Bréthencourt.

Les dernières modifications interviennent aux XVIIe ou XVIIIesiècle dans le chœur.

Ces transformations successives ont profondément modifié la structure originelle de l’édifice, ce qui explique son plan atypique - absence de transept et d’abside - ainsi que ses proportions singulières. La hauteur remarquable des élévations résulte du décaissement des abords des façades, c’est-à-dire de l’abaissement du sol autour de l’édifice qui accentue le sentiment d’élévation.

L'église Saint-Pierre-Saint-Paul de Saint-Martin de Bréthencourt
L'église Saint-Pierre-Saint-Paul de Saint-Martin de Bréthencourt

Il ne reste aujourd'hui que peu d’éléments de l’édifice initial, mais l’on peut encore apercevoir une porte romane, située dans le transept sud - aujourd'hui en ruines, qui assurait probablement le passage vers le cloître. Orné de deux rouleaux reposant sur deux colonnettes, ce portail est surmonté par une archivolte à bandeau et cavet[1] décoré d’oves. On y remarque aussi des chapiteaux aux décors végétaux et géométriques, ainsi que des représentations anthropomorphiques.

Le cimetière qui bordait l’église, a été déplacé à la fin du XIXesiècle lors de la construction de l’école.

[1] Moulure concave qui, de profil, forme un quart de cercle.

Détail de l'église : le portail roman
Détail de l'église : le portail roman

©CD78

Détail du portail : chapiteau
Détail du portail : chapiteau
Détail d'un chapiteau : représentation anthropomorphique
Détail d'un chapiteau : représentation anthropomorphique

©CD78

Les interventions menées en urgence pour éradiquer le mérule

En 2019, un diagnostic a été réalisé pour évaluer l’état de l’église Saint-Pierre-Saint-Paul. L’édifice montrait des signes de dégradation habituels, tels des mousses sur le toit, des tuiles manquantes, des descentes d’eaux pluviales obstruées et un mauvais état général du beffroi. Un programme de restauration était alors prévu pour assurer la bonne conservation de l’édifice.

Cependant, en avril 2024, une menace bien plus grave a été détectée : des taches brunâtres apparaissaient sur les voûtes du bas-côté nord, indice d’une infestation par la mérule. Après une expertise menée par Mme Laurent, experte mycologue, la présence du champignon a été confirmée.

La mérule, qui se nourrit de bois humide, attaque la cellulose et la lignine des structures en bois, et peut aller jusqu’à détruire entièrement un édifice.

Les infiltrations d’eau dans les charpentes et les voûtes en plâtre avaient créé des conditions idéales pour le développement de ce champignon. Une intervention d’urgence s’est donc imposée pour en limiter la propagation et l’éradiquer.

La mérule présente sur les voûtes du bas-côté nord
La mérule présente sur les voûtes du bas-côté nord

©CD78

La commune a fait appel au Pôle Sauvegarde et Transmission des Patrimoines (PSTP) en tant qu’assistant à maîtrise d’ouvrage pour l’aider à établir un programme global de restauration, rechercher des financements, recruter la maîtrise d’œuvre et rédiger le programme de travaux en collaboration avec le pôle juridique de l’agence IngénierY.

Camille Giuliani, architecte du patrimoine, a ainsi été chargé d’étudier les désordres et de proposer des solutions adaptées : traitements fongicides, amélioration de la ventilation et de la lumière dans les zones touchées, puis restitution à l’identique des voûtes endommagées.

En juillet 2024, l’architecte a donc sollicité l’entreprise de couverture UTB pour mettre en place des solutions provisoires afin de stopper les infiltrations d’eau en attendant le début des travaux de restauration. L’entreprise a procédé à des ouvertures sur les couvertures des deux bas-côtés pour examiner l’état des charpentes et de l’extrados (surface convexe et extérieure) des voûtes. Cette inspection a confirmé que les charpentes étaient en bon état et qu’aucune infestation de mérule n’était présente au-dessus des voûtes.

Lors de cette intervention, l’entreprise a également réparé de manière temporaire les chéneaux, remplacé les tuiles défectueuses et installé deux trop-pleins provisoires pour éviter de nouvelles infiltrations. Parallèlement, un relevé photogrammétrique par drone a été réalisé le 26 juillet 2024 pour permettre la restitution fidèle des voûtes endommagées.

Le coût total des travaux est estimé à 230 000 € HT. Des subventions du Conseil départemental, du Conseil régional d’Île-de-France et de la Direction régionale des Affaires culturelles sont attendues pour financer le projet.

Grâce à l’implication de la commune et de tous les pouvoirs publics, mais aussi de la paroisse et d’une association de défense du patrimoine dédiée à la sauvegarde de l’église, gageons que Saint-Pierre-Saint-Paul témoignera encore longtemps de l’histoire de Saint-Martin de Bréthencourt.


Article : Anna SHAGIAKHMETOVA, Farimah SHAHGHOLIAN

Le dossier est suivi par Francesco GUIDOBONI, chargé de mission du patrimoine rural, et Aurélie CARTON, chargée de mission du patrimoine monumental.

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