Archives départementales des Yvelines

Découverte du mois de Janvier

Une sculpture du Bernin dans une église des Yvelines ?

Saint Sébastien, martyr romain vers 284, est fêté le 20 janvier : l’occasion de vous faire découvrir une sculpture exceptionnelle. Il y a quelques mois, le petit monde de l’art entrait en effervescence : un jeune historien de l’art italien, Maichol Clemente, annonçait la découverte d’une œuvre de jeunesse du Bernin dans l’église de Jouy-en-Josas !

Gian Lorenzo BERNINI, dit LE BERNIN (attribué à)

Naples, 1598 – Rome, 1680

Saint Sébastien

1618

Marbre blanc

133 x 48,5 x 32 cm

250 à 300 kg

Jouy-en-Josas (Yvelines), église Saint-Martin

©CD78

En 1618, à Rome, le jeune Bernin achève sa formation auprès de son père. Il reçoit alors sa première commande personnelle : le cardinal Pietro Aldobrandini (1571-1621), neveu du pape Clément VIII, lui demande une sculpture, un saint Sébastien de marbre destiné à enrichir sa collection. L’œuvre est rapidement achevée et livrée et placée par son prestigieux commanditaire dans son palais de la via del Corso, aujourd’hui la galerie Doria Pamphili. Légué par le cardinal à sa sœur, Olimpia Aldobrandini (1623-1681), le Saint Sébastien reste dans la descendance de cette dernière et est transféré dans la villa Albobrandini di Monte Magnanopoli, près du palais du Quirinal. Elle y est mentionnée pour la dernière fois en 1710, lors de l’inventaire après décès de Giovanni Battista Pamphili (1648-1709), second fils d’Olimpia. On perd ensuite sa trace. En 1836, une statue de saint Sébastien est mentionnée dans l’église de Jouy-en-Josas. Le curé de la paroisse souhaite la vendre mais se heurte au refus de la commune. En 1906, le Saint Sébastien est inventorié et devient propriété communale. La sculpture, attribuée à Pierre Puget (1620-1694), est classée au titre des Monuments historiques dès 1907 mais l’attribution au Michel-Ange français est rapidement contestée.

Que se serait-il passé entre 1710 et 1836 ? Maichol Clemente pose l’hypothèse suivante. Quand Girolamo Pamphili (1678-1760), dernier fils de Giovanni Battista, meurt sans descendance, toute la fortune des Pamphili passe à la famille Borghèse à l’issue d’un conflit de plusieurs années. Ayant rejoint les rangs de l’armée révolutionnaire française, les princes Camillo et Francesco Borghèse partent pour Paris en 1803. Camillo Borghèse y épouse Pauline Bonaparte et devient le beau-frère de Napoléon. Enfin, en 1809, Francesco Borghèse (1776-1839), prince Aldobrandini, épouse Adèle de La Rochefoucauld. Ces derniers étaient propriétaires du château de la Roseraie à Chatenay, aujourd’hui Chatenay-Malabry (Hauts-de-Seine), à une dizaine de kilomètres de Jouy-en-Josas. Francesco Borghèse y aurait transporté le Saint Sébastienqui, vendu après sa mort, aurait ensuite pu être offert à l’église de Jouy.

Le Saint Sébastien de Jouy-en-Josas peut être rapproché de l’Énée et Anchise, sculpté en 1617-1618 et aujourd’hui conservé à la Galerie Borghèse (Rome). L’influence du père du jeune artiste s’y fait encore sentir mais on y voit déjà la marque du pathos propre au Bernin. Les traces d’outils y sont également caractéristiques de sa technique. Le traitement du marbre est magnifique et, si l’on tient compte de la disparition du piédestal, les dimensions des descriptions anciennes et de notre sculpture concordent.

Saint Sébastien était officier dans l’armée de Dioclétien. Découvert chrétien, il fut mis en demeure de sacrifier à l’Empereur. Sur son refus, il fut lié nu à un arbre et servit de cible à ses propres soldats. La sculpture conservée dans l’église de Jouy le représente ainsi, conformément à la tradition. Elle est aujourd’hui très encrassée mais globalement en excellent état. La commune envisage néanmoins de la restaurer afin de lui rendre tout son éclat.


Article : Helga Briantais Rouyer, conservateur délégué des Antiquités et Objets d’art des Yvelines.

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