Archives départementales des Yvelines

Découverte du mois de Mai

Il y a quelques mois seulement, deux sculptures provenant de l’église d’Evecquemont étaient restaurées dans nos murs

L’été dernier, deux sculptures classées au titre des Monuments Historiques ont quitté l’église Notre-Dame de l’Assomption d’Évecquemont pour être accueillies dans le laboratoire du Pôle de Sauvegarde et de Transmission du Patrimoine (PSTP). Elles y ont bénéficié d’une restauration minutieuse, révélant peu à peu les mystères de leur histoire… et la richesse de leur facture.

Qui est représenté ?

Les deux sculptures figurent des saints personnages. La première représente sainte Catherine d’Alexandrie, princesse et martyre du IVe siècle.

Elle est facilement identifiable grâce à ses attributs : la couronne et son vêtement sophistiqué renvoient à son statut de princesse dans la société alexandrine, tandis que le livre qu’elle tient rappelle son érudition. L’épée – dont seule la garde subsiste aujourd’hui, dans sa main droite – évoque son martyre. La seconde sculpture représente un saint évêque, reconnaissable à la mitre posée sur sa tête et à la crosse, aujourd’hui en partie disparue, qu’il tenait dans sa main gauche. Son identification reste incertaine, mais la tradition l’assimile à saint Hilaire, premier évêque de Poitiers, en raison de la provenance de la sculpture : une chapelle autrefois dédiée à ce saint.

Sainte Catherine
XVIIe siècle
Évecquemont (Yvelines), église Notre-Dame de l’Assomption
© CD78

Saint Hilaire (?)
XVIe siècle
Évecquemont (Yvelines), église Notre-Dame de l’Assomption
© CD78

D’où viennent ces sculptures ?

Si ces sculptures sont aujourd’hui conservées dans l’église paroissiale d’Évecquemont, elles n’en sont devenues les hôtes qu’après la Révolution française. Initialement, elles ornaient la chapelle, aujourd’hui disparue, de Saint-Hilaire de Thun (un quartier de la ville de Meulan). Elles auraient été données à un habitant de la ville d’Evecquemont, qui les auraient lui-même données à l’église de sa ville en 1793 pour célébrer le rétablissement du culte après la Terreur.

Aujourd’hui les seuls témoins que nous conservons de cette ancienne chapelle abandonnée à la Révolution puis détruite en 1883 sont quelques fragments de tombes datant des XVe, XVIe et XVIIe siècles conservés chez un particulier de Meulan et ces deux sculptures. Leur préservation revêt donc une valeur patrimoniale importante.

De quand datent-elles ?

Bien que provenant du même lieu, les deux sculptures présentent des différences stylistiques marquées, suggérant qu’elles ne sont pas issues des mains d’un même artiste. Il suffit de regarder les deux visages pour se rendre compte des différences. Le visage de la sainte Catherine est très caractéristique. Il présente un nez assez long et anguleux, des yeux un peu disproportionnés sous des paupières assez épaisses et des sourcils très hauts. Toutes ces caractéristiques sont absentes dans la sculpture de saint Hilaire. De même, le traitement des drapés diffère : ampleur et épaisseur chez sainte Catherine, finesse et plis abondants chez saint Hilaire.

Aucun document n’a été conservé concernant leur commande et de ce fait, nous ne connaissons pas le nom des sculpteurs qui les ont réalisées ni leur date précise de création. Toutefois, l’analyse stylistique permet de les situer au troisième quart du XVIᵉ siècle. Pour saint Hilaire, certains spécialistes avancent même une datation allant jusqu’à la première moitié du XVIIᵉ siècle.

La typologie des vêtements ainsi que la coiffure peuvent aussi constituer un élément de datation. Dans le cas de la sainte Catherine, la coiffure assez énigmatique qu’elle porte composée d’une couronne et d’une coiffe qui englobe la partie haute des cheveux laissant dépasser des mèches torsadées en partie basse, peut rappeler certaines coiffures arborées par des femmes dans des représentation du XVIe siècle. Même chose pour son vêtement composé d’une multitude de détails assez précisément rendus qui font référence directement à la mode de l’époque dont les sculpteurs s’inspirent. Le traitement des manches par exemple, avec une attache par des boutons au niveau des avants bras, est une citation des manches dites « à crevées » qui étaient à la mode au XVIe et au début du XVIIe siècle.

© CD78

Un état de conservation préoccupant

Malgré leur qualité artistique — sens du détail, de la composition — les deux sculptures étaient dans un état de dégradation avancé. La polychromie d’origine a en grande partie disparu. Certaines zones sont dénuées de toutes traces de polychromie, d’autres sont recouvertes uniquement de la couche préparatoire orangée qui était appliquée par les artistes avant la couche polychrome afin de permettre à celle-ci de bien adhérer, et enfin certaines sont recouvertes d’un badigeon gris à la chaux qui a surement été réalisé au cours de restaurations antérieures pour uniformiser l’aspect des sculptures. Des brisures et des restaurations maladroites s’étaient ajoutées, comme la tête du saint Hilaire, recollée un peu de travers, ou son nez reconstitué en plâtre dans une couleur qui tranchait avec celle de la pierre d’origine.

État des sculptures avant restauration
État des sculptures avant restauration

Comment ont-elles été restaurées ?

Avant même la restauration, de nombreuses précautions ont été prises pour le transport des œuvres. Les parties des sculptures qui ne tenaient pas assez bien ensemble ont été séparés pour supporter le voyage. Les restes de polychromie ont aussi dû être protégés par du papier japon car ils risquaient de se détacher au cours du transport.

L’étape la plus délicate a été le dessalement. Cette étape est nécessaire dans la restauration des sculptures qui présentent des effloraisons salines en surface comme c’était le cas avec celles d’Evecquemont. Celles-ci apparaissent en raison de variations d’humidité trop importantes, et dans le cas d’Evecquemont c’est le contact des sculptures avec le mur nord de l’église qui a participé à les dégrader. Ces variations d’humidité vont faire modifier le volume des sels contenus dans la pierre qui vont parfois ressortir de l’épiderme de la pierre. Ces variations vont considérablement abimer le matériau et c’est ce qui cause les décrochements de matière et de polychromie sur certaines parties des deux œuvres. Pour retirer les sels de la surface de la pierre, des compresses d’eau déminéralisée ont été employées. Une fois appliquées sur la pierre, le sel a tendance à migrer vers les compresses et cela permet donc d’enlever le sel présent en trop grande quantité dans le matériau.

Une autre étape importante était le réassemblage des différentes parties des œuvres. Concernant la sainte Catherine par exemple, un simple encollage ne suffisait pas. La restauratrice a donc dû employer des goujons et percer l’œuvre pour pouvoir les insérer. Même chose pour la tête du saint Hilaire, qui comportait quant à elle déjà un goujon en os mais qui a été remplacé par un goujon en fibre de verre. Le bouchage en plâtre du bout de son nez a été enlevé puis refait de manière plus harmonieuse.

Enfin, le nettoyage des œuvres a permis de mettre en avant la polychromie ancienne, des retouches ont été faites avec des matériaux réversibles afin de respecter l’histoire de l’œuvre sans la dénaturer.

Grâce à cette restauration minutieuse, les œuvres peuvent désormais être redécouvertes dans toute leur beauté… tout en étant mieux protégée pour les années à venir.

En cours de restauration
En cours de restauration

En savoir plus :

Sources bibliographiques

· Benoit Ecolan, Guilaine, la sculpture de la Renaissance dans le Vexin français, mémoire de recherche de l’Ecole du Louvre, Paris, 2005, p. 109, p. 192 (n.160). (dir. Geneviève Bresc)

· Boiries, Edmond, Histoire du Canton de Meulan, Paris,1906, p. 155, p. 363.

· Du Plessis, Toussaint, Description géographique et historique de la Haute-Normandie, divisée en deux parties : la première comprend le Païs de Caux et la seconde le Vexin, Paris, 1740

· La sauvegarde de l’art Français, L’église d’Evecquemont, 1979, p. 80-81.

· Trombetta, Pierre-Jean, Meulan, Histoire de quartiers, quartiers d’histoire : catalogue d’exposition, Meulan, mairie, 16 mars 2007 – 1er avril 2007, Meulan, 2007, p. 174-177.

· Ravat, Michel, Maratier, Delphine, Cosyns, Odette et al., Le patrimoine des communes des Yvelines, Paris, 2000, p. 496-497.

Sources

· Montigny-le-Bretonneux, archives départementales des Yvelines, 1V 306 boite 2, Inventaire de 1905 dressé d’après celui de 1883

· Montigny-le-Bretonneux, archives de la CAOA, dossier sur Evecquemont, arrêté de classement de la sculpture de saint Hilaire

· Montigny-le-Bretonneux, archives départementales des Yvelines, Préinventaire commune d’Evecquemont


L'opération de restauration a été réalisée par la commune d’Évecquemont avec le soutien du Département des Yvelines et son Pôle Sauvegarde et Valorisation des Patrimoines.

Avec l’intervention de : Barbara DONATI et Philippe DONNE, conservateurs-restaurateurs des biens culturels

Dossier suivi par Cécile GARGUELLE, responsable du PSTP

Article : Lucile DEMONTE, étudiante en Master 2 à l’École du Louvre, stagiaire au Pôle Sauvegarde et Transmission des Patrimoines, spécialisée en sculpture occidentale médiévale (groupe de recherche : Moyen Âge).

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