Archives départementales des Yvelines

Découverte du mois d'Avril

Le projet d’Ange-Jacques Gabriel pour le château et le village de Saint-Hubert présenté au musée du Domaine royal de Marly

Exception n’est pas coutume : le pôle Sauvegarde et Transmission des Patrimoines a participé à l’élaboration d’une exposition présentée au musée du Domaine royal de Marly jusqu’au 31 août prochain, Les maisons de plaisance des environs de Paris, de Louis XIV à Napoléon III.

Cette exposition fait suite aux recherches menées en vue d’un ouvrage paru récemment sous la direction de Francesco Guidoboni et Anaïs Bornet, Les maisons de plaisance des environs de Paris du Grand Siècle au Second Empire.

S’évader de la ville pour rechercher un cadre de vie meilleur à la campagne… Ce phénomène ne nous est pas étranger. La villégiature n’est pourtant pas un phénomène récent : dès la Renaissance, en Ile-de-France, une élite fortunée quitte la ville à la belle saison et s’installe dans de somptueuses résidences aux champs pour s’y détendre et s’y divertir.

Maisons de campagne, villas, folies, pavillons, maisons de plaisance…, les termes désignant ces constructions sont nombreux. Ils ont varié au cours du temps et regroupent diverses typologies d’architectures et de situations, l’emplacement idéal restant la « campagne » proche de la ville. En Ile-de-France, les maisons de plaisance sont bâties tout autour de la capitale, des faubourgs aux confins de la région. Riche en forêts, vallées et cours d’eau, l’Ile-de-France offrait des conditions favorables à l’implantation de maisons de plaisance. La construction de ces édifices débuta réellement à partir du XVIIe siècle et connut un véritable essor au cours du siècle suivant. Elle se poursuivit tout au long du XIXe, dans un contexte d’industrialisation et de transformations sociales et urbaines qui en modifièrent les enjeux.

Souvent méconnus et peu valorisés, les vestiges de la villégiature francilienne se trouvent au cœur de problématiques actuelles en termes de préservation du patrimoine. Ces bâtiments doivent aujourd’hui faire face à divers enjeux de conservation, d’adaptation aux nouveaux besoins et d’accueil du public. Ils sont également souvent menacés par les transformations urbaines qui répondent aux évolutions de la ville du XXIe siècle.

Une soixantaine d’estampes, de peintures et d’objets d’art témoignent de cette histoire qui a contribué à façonner les paysages franciliens et viennent dialoguer avec les œuvres du musée. Sont abordées successivement les thématiques suivantes : les maisons de plaisance dans l’entourage de Louis XIV ; les plaisirs à la campagne sous les règnes de Louis XIV et de Louis XV ; la distribution et le décor des maisons de plaisance au XVIIIesiècle ; la villégiature au féminin sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI ; les parcs et jardins et, enfin, les transformations et destructions du XIXe siècle.

Le projet du château de Saint-Hubert

La seconde section de l’exposition présente notamment un très grand plan, prêté par les Archives départementales des Yvelines, figurant le projet d’Ange-Jacques Gabriel (Paris, 1698 – Paris, 1782) pour le château et le village de Saint-Hubert.

Ange-Jacques GABRIEL

Paris, 1698 - Paris, 1782

Domaine de Rambouillet

Plan du château et village de Saint-Hubert

1770

Plume, encre et aquarelle sur papier

Archives départementales des Yvelines, A Sup54

La tradition rapporte que Louis XV et Madame de Pompadour, chassant ou se promenant en forêt de Rambouillet, seraient arrivés sur les bords de l’étang du Pourras, un plan d’eau artificiel faisant partie de la chaîne des étangs de Hollande, aménagée à la demande de Louis XIV pour alimenter en eau les jardins du château de Versailles. Le site fait alors partie du duché-pairie de Rambouillet, propriété du duc de Penthièvre, petit-fils de Louis XIV et de Madame de Montespan. Qu’importe, le Roi, séduit par le paysage, décide de s’y faire construire un pavillon de chasse. Passionné de vénerie, il n’aura ainsi plus à abuser de l’hospitalité de son cousin, lequel lui offre d’ailleurs généreusement le terrain nécessaire à la réalisation de son projet.

Grâce au soutien de la marquise de Pompadour, Ange-Jacques Gabriel, Premier architecte du Roi, entreprend en 1755 la construction d’un simple pavillon de chasse. Au fil des années jusqu'en 1770, le roi fait agrandir et embellir l’édifice, qui se transforme peu à peu en une véritable résidence royale : une élégante maison de plaisance et de chasse, ouverte sur l’étang.

Daté de 1770, le plan d’Ange-Jacques Gabriel est magnifiquement aquarellé. Le Premier architecte du Roi, qui vient d’achever la chapelle royale du château de Versailles et le Petit Trianon, est au fait de sa gloire et a toute la confiance du Roi. Il dessine ici son projet d’agrandissement pour Saint-Hubert. Ce château à la française, édifié entre 1755 et 1758 « entre cour et jardin », et dont l’avant-corps central devait marquer la présence d’un grand salon, illustrait parfaitement le goût pour la symétrie et le style rationnel de Gabriel. Le jardin est en réalité ici remplacé par l’étang, alimenté par la Rigolle au Roy. De fait, la façade sud du corps central donne directement sur un embarcadère afin de faciliter les promenades en barque. Seuls deux grands parterres, présentés sur le plan en deux variantes — « à la française » et selon la nouvelle mode des serpentines symétriques — encadrent la façade nord de ce même corps central. Au-delà, côté nord, les ailes des communs, encadrées de petits pavillons carrés, bordent une avant-cour ouverte sur l’axe central d’une patte d’oie à sept branches. Les branches les plus à l’est mènent vers le bourg, resté inachevé, et son église, jamais construite. Ce plan mentionne également les parcelles déjà acquises par la Couronne, celles restant à acquérir, ainsi que les lots accordés par brevet ou réservés. Ce projet de Gabriel préfigure le « grand dessein » de reconstruction de Versailles, jamais réalisé.

Ce qui faisait le charme de Saint-Hubert fut malheureusement à l’origine de sa ruine. L’humidité du site causa rapidement des dégradations. Le château n’était pas chauffé en dehors de la présence du Roi et, lorsqu’il fut complètement abandonné après la mort de Louis XV, en 1774, il fallut que Louis XVI ordonne que des braseros restent allumés en permanence dans la chapelle pour tenter de sauvegarder le tableau du maître-autel commandé à Carle Van Loo, déjà considéré comme un chef d’œuvre. La Conversion de saint Hubert ne cessant pour autant de se dégrader, le Roi finit par l’offrir à l’église de Rambouillet.

Peu après l’acquisition du domaine de Rambouillet, Louis XVI fit transférer le mobilier de Saint-Hubert et en ordonna la démolition partielle. Les ailes des communs bordant l’avant-cour furent détruites dès 1785, marquant le début d’un long démantèlement. Le château lui-même fut démentelé en 1855. Les derniers vestiges disparurent progressivement au cours du XIXe siècle.

Aujourd’hui, seuls quelques éléments témoignent encore de l’existence de cette résidence royale oubliée : une terrasse dominant l’étang de Pourras — désormais incluse dans une propriété privée — ainsi que quelques maisons du hameau, rattaché à la commune du Perray-en-Yvelines.


Pour aller plus loin :

- Une exposition consacrée aux maisons de plaisance des environs de Paris de Louis XIV à Napoléon III - Musée du Domaine royal de Marly

- L’histoire des étangs de Hollande

- Le domaine de Saint-Hubert, 1755-1792. Histoire d’une création royale : choix et singularités - Persée

- A paraître, sur La Conversion de saint Hubert par Carle Van Loo : « Trois grandes peintures. Église Saint-Lubin-Saint-Jean-Baptiste de Rambouillet. » in Mémoires et Documents XLII, Société Historique et Archéologique de Rambouillet et de l’Yveline. Contact : shary.1836@orange.fr

Rédaction : Helga Briantais Rouyer, conservateur délégué des antiquités et objets d’art des Yvelines; Francesco Guidoboni, chargé de mission Patrimoine rural

Partager sur