Archives départementales des Yvelines

Découverte du mois de Janvier 2023

La Conversion de saint Hubert : un tableau pour un château royal disparu

Dans l’église Saint-Lubin de Rambouillet se trouve une œuvre du XVIIIe siècle réalisée sur commande royale afin d’orner la chapelle du château Saint-Hubert, aujourd’hui disparu.

L’œuvre d’un grand peintre

Peinture de belles dimensions (près de 3m de haut et 2m de large avec son cadre), la Conversion de saint Hubert est une œuvre qui attire le regard. Il s’agit d’une huile sur toile réalisée en 1758 par Carle van Loo (1705-1765). Peintre d’origine hollandaise, il mena en France une carrière couronnée de succès : membre de l’Académie royale de peinture et de sculpture, il devient gouverneur de l’Ecole des élèves protégés en 1754, puis peintre du roi en 1762 et directeur de l’Académie l’année suivante. Il exerce son talent dans des genres divers : peinture d’histoire, peinture religieuse, scènes mythologiques, scènes de genre, portraits.

La Conversion de saint Hubert, Carle van Loo (1758)
La Conversion de saint Hubert, Carle van Loo (1758)

©F. Delauney (commune de Rambouillet, 2021)

La peinture a pour sujet la vision de saint Hubert, le saint patron de la chasse. Selon la légende associée à ce saint (dont il existe de nombreuses versions), Hubert de Liège était un seigneur de la fin du VIIe siècle qui était obsédé par la chasse. C’est lors d’une chasse menée un Vendredi saint (fête religieuse précédent le dimanche de Pâques) qu’il se trouva face à un cerf majestueux et eut une vision : entre les bois de l’animal apparut une croix. Une voix intima alors au seigneur Hubert de se convertir. Cette rencontre conduit le seigneur à se retirer et consacrer sa vie à Dieu.

La Conversion de saint Hubert, Carle van Loo (1758)
La Conversion de saint Hubert, Carle van Loo (1758)

Le peintre a représenté la scène de la rencontre entre saint Hubert et le cerf. Le saint, un genou à terre, fait face à l’animal dont le corps émerge des feuillages. Les mains jointes en un signe d’humilité, il a le regard rivé sur l’apparition du christ en croix entre les bois du cerf. Cet échange est au cœur du tableau et dégage une grande intensité. La rencontre des regards et la position des corps créé un jeu de diagonales entre le cerf, le saint et le christ en croix qui donne son dynamisme à la composition. La lance et le cor du chasseur gisent à terre, aux pieds du saint, dans une diagonale inverse qui offre un équilibre à la peinture et cadre l’action principale. La souplesse des drapés, dont les plis sont rendus avec beaucoup de maîtrise, fait écho à la musculature du cerf.

L’œuvre est signée par l’artiste : son nom est inscrit en bas à gauche du tableau, sur la pierre qui se trouve sous la jambe du saint.

L’œuvre est classée au titre des Monuments historiques depuis 1904.


Un tableau de roi : une commande pour le château de Saint-Hubert

Carle van Loo exécute ce tableau dans les temps forts de sa carrière. Il s’agit d’une commande des Bâtiments du Roi pour la chapelle du château Saint-Hubert, situé au Perray-en-Yvelines. Ce château avait été construit à la demande de Louis XV en 1755. Le roi était un passionné de chasse. Il se rend régulièrement à Rambouillet, où il est accueilli au château par le comte de Toulouse, puis le duc de Penthièvre lorsqu’il en hérite. Suite à l’obtention de terres dans la région, il fait construire le château de Saint-Hubert où il loge régulièrement pour la chasse (et les amours). Il est dit que le visage du saint Hubert du tableau de Carle van Loo a été fortement inspiré par le roi Louis XV.

Carte postale : Vue du château de St Hubert du côté de l'entrée
Carte postale : Vue du château de St Hubert du côté de l'entrée
Réduction de la carte topographique des environs de St Hubert et de Rambouillet (1764) où figure le château de Louis XV
Réduction de la carte topographique des environs de St Hubert et de Rambouillet (1764) où figure le château de Louis XV

Disparu aujourd’hui, il ne subsiste du château de Saint-Hubert que la terrasse et des documents d’archives (descriptions, témoignages, et quelques représentations). Le hameau de Saint-Hubert, qui existe toujours, avait été créé à la même époque en face du château.

C’est en 1789 que la peinture de Carle van Loo arrive à Rambouillet : Louis XVI en fait don à l’église de la commune. Elle sera transférée dans la nouvelle église de Rambouillet en 1872. Des copies de l’œuvre sont connues dans la région, comme celle conservée dans l’église Saint-André à Auffargis et réalisée au XIXe siècle.


Une œuvre restaurée avec l’aide du Département des Yvelines

La Conversion de saint Hubert a fait l’objet d’une restauration entre 2019 et 2020. Le Département des Yvelines a participé financièrement et scientifiquement à cette opération à travers l’action du Pôle Sauvegarde et Transmission des patrimoines. Trois restaurateurs du patrimoine ont travaillé sur l’œuvre : Geneviève Guttin pour la couche picturale, Emmanuel Joyerot pour le support (toile et châssis) et Maxime Seigneury pour le cadre.

La restauration a permis de constater que l’œuvre avait été abîmée et plusieurs fois restaurée au cours des siècles. Une précédente restauration avait eu lieu en 1974, mais des interventions plus anciennes ont été constatées (sans doute XIXe siècle). Les réparations et nettoyages ont pu être la cause de dégâts sur l’œuvre ou de son manque de lisibilité : nettoyages trop importants qui ont usé la couche picturale, repeints altérés, vernis coloré, colles inadaptées à l’environnement humide d’une église… La toile avait été rentoilée, c’est-à-dire qu’une seconde toile était apposée au dos de celle d’origine afin de la renforcer. Cette seconde toile présentait des moisissures liées à la colle utilisée. La couche picturale était craquelée et se soulevait. Le vernis était encrassé et opacifié.

Le tableau en atelier, avant restauration
Le tableau en atelier, avant restauration

L’intervention des restaurateurs a consisté à nettoyer et décrasser l’œuvre dans son ensemble (toile, châssis, cadre, vernis, …) puis à agir sur des problématiques spécifiques selon les spécialités de chacun. Les restaurateurs de la couche picturale et du support ont travaillé simultanément sur l’œuvre. Le travail a nécessité de dégager en partie les traces d’anciennes restaurations (repeints abîmés, mastics, toile de rentoilage et sa colle, etc.). La restauratrice de la couche picturale a allégé le vernis, comblé et réintégré les lacunes, effectué les retouches nécessaires, appliqué un nouveau vernis. La restauration du support a consisté à traiter le châssis abîmé, assainir la toile, refixer la peinture et mettre une nouvelle toile de renfort avec un adhésif adapté à l’environnement du tableau (mélange de cire et de résine). Par ailleurs, le restaurateur du cadre a traité, procédé à des greffes en bois aux endroits lacunaires, redoré et patiné le cadre. C’est un travail collaboratif long et minutieux qui a duré près d’une année.

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