Archives départementales des Yvelines

Découverte du mois d'Avril

Il y a 20 ans : une peinture mystérieuse provenant de Conflans-Sainte-Honorine faisait son entrée dans le dépôt des AOA

20 ans !

2024 marque le vingtième anniversaire du bâtiment des Archives départementales des Yvelines, qui accueille également le service Seine et Yvelines Archéologie et le Pôle Sauvegarde et Transmission des Patrimoines. Dès l’origine, cet édifice a été conçu pour rassembler les activités de ces trois services patrimoniaux et abriter les collections dont ils ont la charge. Côté Patrimoine, deux grandes spécificités : un laboratoire de restauration et le dépôt des Antiquités et Objets d’Art. Le laboratoire permet d’accueillir les très grands formats ou les œuvres particulièrement fragiles et le dépôt est gracieusement mis à disposition des communes pour abriter leurs œuvres durant des travaux.

Les « Découvertes du mois » vous proposent donc de remonter le temps pour découvrir des œuvres hébergées dans ces deux espaces au fil des années.


Un tableau perdu et retrouvé

Il y a 20 ans, débutait la restauration d’un tableau redécouvert à Conflans-Sainte-Honorine, dans l’église Saint-Maclou.

Cette œuvre de grande dimension figure un miracle difficilement identifiable, car rarement représenté, en présence de frères mendiants relevant de la famille franciscaine. Elle a été signalée dans l’église en 1905. Sa provenance reste inconnue mais elle a probablement été réalisée pour un monastère. Il y avait d’ailleurs un couvent de cordeliers à Pontoise, qui n’est pas très loin de Conflans-Sainte-Honorine. Perdue de vue, elle a été retrouvée dans l’église à la fin des années quatre-vingt et Inscrite au titre des Monument Historique en 1990.



Une restauration fondamentale

Au moment de sa redécouverte, la peinture présentait de sérieuses lacunes et un réseau de craquelures prononcées. De nombreux repeints foncés, probablement effectués lors d'une transposition antérieure, altéraient considérablement l'œuvre originale. Le vernis jauni la rendait presque totalement illisible.

Le tableau fut restauré en plusieurs étapes : restauration de la couche picturale par Claire Buisson en 2003, restauration du support par David Prot en 2004/2005 et enfin création du cadre réalisée en 2006.

Pendant les travaux de l’église Saint-Maclou, le tableau trouva refuge dans le dépôt des AOA. Il ne retrouva sa place dans l’église qu'en 2009.

Le Miracle de Saint François (?) : le tableau avant restauration ©CD78
Le Miracle de Saint François (?) : le tableau avant restauration ©CD78
Le Miracle de Saint François (?) : le tableau après restauration ©CD78
Le Miracle de Saint François (?) : le tableau après restauration ©CD78

Une peinture énigmatique

L'identification de l'auteur de cette œuvre et sa datation, restent problématique. Elle fut autrefois attribuée à Francisco de Zurbarán (1598–1664), mais cela est aujourd’hui contesté. Sa datation fait également débat : XVIIeou XVIIIe siècle ? Enfin son iconographie reste également très mystérieuse.

Cette peinture représente deux religieux franciscains, cordeliers ou capucins, au bord d'un bassin alimenté par un filet d'eau. Le plus jeune fait un geste de bénédiction au-dessus du bassin, tandis que l'autre, d’âge mûr, est agenouillé, les mains ouvertes. Il parait s’étonner du miracle accompli. Tous deux se détachent devant un paysage où figure, à droite, une église en construction. A l’arrière-plan, au centre de la composition, se trouvent deux autres moines. Tout à fait à droite de la scène, une colonne envahie de végétaux vient rééquilibrer la composition marquée par la diagonale formée par les deux principaux protagonistes de la scène. Elle permet également de conduire le regard vers le bassin. Cette scène peu commune n’a guère d’équivalents.

Il a autrefois été proposé de l’identifier à un épisode de la vie de François d’Assise, inspirée par celle du Christ : la Transformation de l'eau en vin. Ce miracle est notamment relaté au chapitre V de la Légende de saint François par Saint Bonaventure de Bagnoregio : 

Une autre fois, pendant qu'il demeurait à la maison de Saint-Urbain, se trouvant en proie à une maladie très-grave, et sentant la nature lui faire défaut, il demanda du vin ; mais il n'y en avait point dans le monastère. Alors il commanda de lui apporter de l'eau, qu'il bénit par un signe de croix. Aussitôt cette eau se changea en un vin excellent, et ainsi la sainteté de François obtint ce que la pauvreté du lieu ne permettait pas d'avoir. Mais à peine en eut-il bu qu'il sentit ses forces revenir promptement ; et ce breuvage miraculeux et le prodige qui en fut la suite, influant surnaturellement sur son âme, affermirent doublement en elle le dépouillement parfait du vieil homme et le règne du nouveau.

Saint François changeant l’eau en vin, lunette du cloître du couvent de Saint-François, Canino, Italie
Saint François changeant l’eau en vin, lunette du cloître du couvent de Saint-François, Canino, Italie

Cette hypothèse n’est pas totalement convaincante car François ne parait pas ici malade.

Une autre source pourrait être les Chroniques de Marc de Lisbonne, un franciscain du XVe siècle, dont de nombreuses éditions parurent au début du XVIIesiècle en français dans le cadre des réformes de l’Ordre. Selon ces chroniques, pendant la construction d'un monastère à Ancone, des ouvriers furent confrontés à une pénurie de vin, ce qui suscita leur mécontentement et les poussa à cesser le travail. Saint François se rendit à une fontaine proche, traça un signe de croix au-dessus de l’eau et la changea l'eau en vin. Il offrit ensuite ce vin aux ouvriers qui se repentirent et revinrent à de meilleurs sentiments. Une illustration de ce miracle est présente sur la lunette du cloître du couvent de Saint-François, à Canino en Italie. Cette peinture murale du XVIIIe siècle représente saint François changeant l’eau en vin pour les maçons travaillant à la construction de l’église.

L’identification du faiseur de miracle ne repose par ailleurs sur aucun indice parfaitement fiable et il pourrait tout aussi bien s’agir d’Antoine de Padoue, un franciscain portugais contemporain de François d’Assise. En réponse à des religieux le suppliant de leur trouver de l’eau près de leur monastère, Antoine fit en effet jaillir une source claire et abondante qui guérissait également les malades.

Une dernière hypothèse nous conduirait enfin vers un épisode de la vie de saint François de Paule, fondateur des Minimes au XVe siècle. Les détails des vêtements religieux ne sont malheureusement pas des indices parfaitement fiables car il est avéré que les peintres pouvaient s’autoriser quelques libertés.

Nous faisons donc appel à vous pour résoudre cette énigme !

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