Découverte du mois de Mai
Il y a 15 ans : l’œuvre d’un maître espagnol était découverte à Garancières
20 ans !
2024 marque le vingtième anniversaire du bâtiment des Archives départementales des Yvelines, qui accueille également le service Seine et Yvelines Archéologie et le Pôle Sauvegarde et Transmission des Patrimoines. Dès l’origine, cet édifice a été conçu pour rassembler les activités de ces trois services patrimoniaux et abriter les collections dont ils ont la charge. Côté Patrimoine, deux grandes spécificités : un laboratoire de restauration et le dépôt des Antiquités et Objets d’Art. Le laboratoire permet d’accueillir les très grands formats ou les œuvres particulièrement fragiles et le dépôt est gracieusement mis à disposition des communes pour abriter leurs œuvres durant des travaux.
Les « Découvertes du mois » vous proposent donc de remonter le temps pour découvrir des œuvres hébergées dans ces deux espaces au fil des années.
Un bel exemple de peinture baroque madrilène
Peu après la découverte, en 2008, d’une Vierge à l’Enfant attribuée à Antonio Gonzalez Ruiz (1711 - 1788) à Verneuil, le corpus des peintures espagnoles yvelinoises s’est enrichi avec une nouvelle venue tout droit sortie de l’église paroissiale de Garancières.
Cette toile mesure 2m07 sur 1m59 et représente une Immaculée Conception. Elle fut inventoriée dans le chœur de l’église par le comité de pré - inventaire des Yvelines dès les années 1970. Pourtant à l’époque, ni la date, ni la signature d’Antonio de Pereda - « D Ant° Pereda. F. 1653 » en bas à droite - inscrites sur la toile, ne sont repérées et il faut attendre le récolement des objets de l’église effectué en 2009, pour que cette œuvre soit identifiée. Dans la foulée, l’œuvre est classée au titre des monuments historiques le 14 juin 2013. Comme celle de Verneuil, l’histoire et la provenance de cette peinture n’ont pu être éclaircies lors de l’enquête menée à l’occasion de sa restauration par l’atelier Lutet - Toti (support) et Corinne Prévost (couche picturale) en 2012 - 2013. Le cadre – manquant – a été réalisé par Jean-Pierre Galopin. Toutefois, les interventions effectuées ont confirmé l’information donnée par une étiquette placée au revers du châssis, à savoir que l’œuvre avait déjà été restaurée en 1975.
Antonio de Pereda, peintre de l’Immaculée Conception
Antonio de Pereda (1599 - 1669) est un peintre espagnol de la première génération baroque madrilène, réputé pour un dessin solide et une exécution habile, qu’il emploie dans de nombreuses compositions religieuses et allégoriques, mais également dans la réalisation de natures mortes d’une exceptionnelle qualité. Doué, Pereda est admis très jeune dans l’atelier de Pedro de las Cuevas. Et c’est grâce à la protection de ses mécènes, tel que Giovanni Battista Crescenzi, peintre et architecte italien vivant à la cour d’Espagne, qu’il obtient de nombreuses commandes religieuses. Ses œuvres sont aujourd’hui essentiellement conservées dans les musées français et étrangers tel le Louvre ou le Prado. Trois de ses tableaux sont toutefois classées au titre des monuments historiques et signalées dans la base POP comme étant conservées dans des édifices religieux : La Rédemption (église d’Arc - et - Senans), Le Mariage de la Vierge (église Saint - Sulpice à Paris) et l’Annonciation(église Saint - Pierre de Grand - Camp dans l’Eure).
La représentation de la Vierge de l’Immaculée Conception, reprise dans la toile de Garancières, correspond à un thème récurrent dans la carrière de Pereda qui, comme l’ensemble des chrétiens espagnols, adopte avec enthousiasme la théorie de l’Immaculée Conception, défendue depuis la fin du Moyen Âge par la Couronne et l’Eglise de Castille et Cette croyance en la conception sans péché de Marie fut objet de débat dans l’Église et n’a été proclamée en tant que dogme qu’en 1854 par le pape Pie IX.
Si de nombreuses peintures figurant cette iconographie sont connues dans sa production, la version la plus proche de celle de Garancières est celle visible actuellement au musée d’art de Bucarest. Mais, contrairement à celle de la commune yvelinoise, l’œuvre de Bucarest n’est ni datée ni signée et fut longtemps attribuée à Juan de Valdés Leal (1622 - 1690), peintre baroque espagnol, qui influença très certainement Pereda. Cette version se distingue de l’œuvre de Garancières, par la couleur du vêtement de la Vierge (rouge dans notre version et violette dans la version roumaine) mais aussi, notamment, par le positionnement et le nombre de têtes d’angelots situées dans la partie droite du tableau. On retrouve, en revanche, dans l’œuvre de Garancières, tout comme dans celle de Bucarest, toutes les spécificités du style de Pereda dans la palette chromatique utilisée pour l’arrière-plan, dans le dessin et les couleurs mais aussi dans la manière de traiter les plis du manteau de la Vierge.
Article : Cécile Garguelle, responsable du Pôle Sauvegarde et Transmission des Patrimoines