Archives départementales des Yvelines
Henri Marret, Chemin de Croix de Fourqueux, Cl. Corinne Prévost, restauratrice, 2006
Henri Marret, Chemin de Croix de Fourqueux, Cl. Corinne Prévost, restauratrice, 2006

Décors muraux du XXème siècle : les anciens et les modernes

En vingt années (1919-1939), les peintres vont innover pour apprivoiser le béton avec des techniques très variées. De ce fait, les restaurateurs actuels se trouvent face à des matériaux inédits, une documentation lacunaire et se heurtent à des incohérences entre la documentation et la réalité du matériau employé.

La première solution est un retour à la fresque traditionnelle à la chaux grasse, appliquée sur le béton, sous l’impulsion de l’association « La fresque », fondée par Paul Baudoüin et l’architecte Georges Pradelle, mais la fresque nécessite une maîtrise technique que tous les peintres ne possèdent pas. L’association l’Arche la défend comme la seule technique « noble », adaptée à la peinture religieuse.

Certains artistes font le pari de peindre à fresque sur des enduits de chaux hydraulique : pour Henri-Marcel Magne, « la solidité de la fresque repose, non pas tant sur la carbonatation que sur la pénétration des pigments dans la capillarité de l’enduit ». Il sera suivi par Henri Marret, Henri Pertus ou Jean Souverbie qui, à leur tour, se livrent à des essais sur ciment (voir les références dans la thèse d’Eléonore Gueit).

Et si Henri Marret choisit d’appliquer un enduit de chaux aérienne sur les panneaux de ciment du chemin de Croix de Fourqueux, il va peindre sur ciment Portland à l’église Saint-Hippolyte, dans le 13e arrondissement (analyses et tests Eleonore Gueit en 2011)

Les peintures à liant minéral aux silicates offrent une alternative pour peindre sur béton. Elles présentent les mêmes caractéristiques que la fresque à la chaux ; le rendu est mat, le medium réagit avec le support et emprisonne les pigments de manière insoluble. On peut citer 2 produits utilisés au début du XXe siècle :

- le Wasserglas, mis au point au XIXe siècle en Allemagne et perfectionnée au début du XXe siècle par l’entreprise Keim, puis par Beeck. Il est utilisé surtout en Allemagne et en Belgique, dans des climats où la fresque à la chaux se conserve mal. Bien que très solide, son emploi dans les décors restait limité par la pauvreté chromatique des pigments compatibles avec le procédé. En France, la technique a été utilisée par Louis Guingot en Lorraine.

- Le « Silimat » des Ets L. Van Malderen : "Silimat est une laque mate, se délayant à l’eau. Veloutés et profonds, les coloris Silimat autorisent d’harmonieuses combinaisons de couleurs. Silimat est inaltérable et lavable ..."

Les analyses effectuées en 1999 pour la restauration des peintures de l’église du Saint-Esprit à Paris (12e) montrent l’emploi d’une peinture minérale de ce type pour « le péché originel et son rachat par l'avènement du Christ » par Elisabeth Branly, et non de la caséine, voir la note de Miriam Simon dans Paul Tournon (1881 - 1964), un architecte catholique.

 

Henri-Marcel Magne teste également la fresque sur ciment : comme on l’a vu avec le Wasserglas, tous les pigments ne supportent pas le pH du béton, et si les panneaux de Saint-Christophe de Javel ont conservé leurs blancs et leurs bleus, les autres pigments ont plus ou moins bien résisté, malgré les essais préalables du peintre.

Nicolas Untersteller, à Saint-Pierre de Chaillot en 1938, invente une autre technique : il grave au marteau pneumatique les lignes principales de la composition, puis remplit le sillon d’un mélange de mortier de chaux et de colorants, et peint l’intérieur des figures avec un mélange « à base de poudre de fresque directement sur la surface »

D’autres peintres se tournent vers des recettes anciennes : peinture à l’œuf sur plâtre (Sérusier), à la caséine, ou se tournent vers la toile marouflée, …avec des résultats plus ou moins pérennes.

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