Archives départementales des Yvelines

Découverte du mois de Février

Il y a 20 ans dans le bâtiment : une grande peinture du XVIIIe siècle provenant de Sonchamp

Il y a 20 ans…

En 2004 avait lieu l’inauguration du bâtiment que partagent les Archives départementales, le service Seine Yvelines Archéologie et le Pôle Sauvegarde et Transmission des Patrimoines. A cette occasion avait été présentées plusieurs œuvres du territoire qui faisaient l’objet d’opérations dans le cadre des dispositifs patrimoniaux mis en place par le Département des Yvelines. L’une d’elle, plus particulièrement, attirait l’attention. Il s’agit d’une Visitation, un tableau religieux du XVIIIe siècle provenant de l’église Saint-Georges à Sonchamp, qui était alors en cours de restauration et qui a été accueilli au sein du bâtiment, dans les locaux du PSTP. L’opération, accompagnée et soutenue par le Département, a été l’occasion de faire quelques découvertes…


Une grande peinture religieuse du XVIIIe siècle

La scène représentée sur cette œuvre de grandes dimensions, la Visitation, est un épisode raconté dans l’Evangile selon Luc. Il évoque la visite que rend Marie alors enceinte, peu après l’Annonciation, à sa cousine Elisabeth. Cette dernière, plus âgée et elle-même enceinte du futur Jean-Baptiste, pressent l’état de Marie par une agitation intérieure et la reconnait comme mère de Dieu. La rencontre entre les deux femmes est souvent représentée comme un échange assez intime soulignant leur condition commune et leurs liens de parenté : unies par des gestes d’affection, elles occupent généralement le cœur d’une scène dont les hommes sont généralement écartés, voire absents.

La Visitation, église Saint-Georges, Sonchamp
La Visitation, église Saint-Georges, Sonchamp

©CD78

Dans le cas du tableau de Sonchamp, le duo de femmes est également au cœur de la composition. Elles occupent le centre de l’œuvre et échangent des salutations. Elisabeth incline la tête dans un geste de respect envers sa cousine. Les maris de chacune des deux femmes les entourent : Zacharie accueille Marie depuis les escaliers de sa demeure à l’architecture antiquisante, et Joseph à l’arrière s’affaire avec des bagages. L’âne chargé indique le long voyage effectué par le couple. Bien que légèrement en retrait, les hommes font ici partis du groupe. Les deux femmes ne sont pas isolées et ne partagent pas d’intimité particulière. L’œuvre se concentre davantage sur Marie : positionnée au centre de la structure de la composition, elle attire toute l’attention ; les regards et les gestes de chaque personnage pointent vers elle. La lumière et les coloris la démarquent également : les couleurs claires et éclatantes de sa peau et de ses vêtements contrastent avec celles des autres personnages, peints dans des tons plus ternes et terreux.

Détail de l'œuvre : la Vierge Marie et Elisabeth
Détail de l'œuvre : la Vierge Marie et Elisabeth

Une œuvre de Jean Restout ?

C’est dans le chœur de l’église Saint-Georges à Sonchamp que se trouve ce tableau du XVIIIe siècle. La provenance de cette œuvre n'est pas connue mais on sait que celle-ci était déjà dans l'église au milieu du XIXe siècle, car elle est mentionnée dans un reçu daté de 1842, relatif à la mise en place du tableau de saint Bruno dans les boiseries et de « celui de la Ste Vierge à côté » (voir les archives correspondantes : AD78 1V 280).

Le tableau de Sonchamp n’est pas signé. Inscrit au titre des Monuments historiques en 1997, il est alors rapproché du style de deux grands peintres français du XVIIIe siècle, Jean Jouvenet (1644-1717) et Jean Restout (1692-1768), connus pour leurs compositions religieuses.

Si l’œuvre a été associée en premier lieu à l’école de Jouvenet, la ressemblance de La Visitation de l’église de Sonchamp avec les œuvres de Jean Restout a interrogé les possibilités d'une attribution plus précise. Jean Restout était le neveu et l’élève de Jean Jouvenet. Peintre réputé de son temps, il a reçu de nombreuses commandes pour des églises et couvents parisiens au milieu du siècle. Plusieurs œuvres de sa main se trouvent dans le département des Yvelines, notamment à Versailles (plusieurs toiles peintes dans des églises et un décor à l’Hôtel de Ville) et à Chevreuse.

La prédication de saint Vincent de Paul, Jean Restout, 1739
La prédication de saint Vincent de Paul, Jean Restout, 1739
Détail de l'œuvre : Marie de profil
Détail de l'œuvre : Marie de profil

La Visitation, église Saint-Georges, Sonchamp - ©CD78

Malgré l’évidente proximité de la peinture de Sonchamp de l’œuvre de Jean Restout, notamment en ce qui concerne la figure de la Vierge, elle n’est sans doute pas de la main du maître. Aucune Visitation ne figure dans la liste raisonnée des œuvres du peintre qui a établie par Pierre Rosenberg et Antoine Schnapper dans les années 1970, ni dans la version actualisée en 2000 par Christine Gouzi. 

Par ailleurs, malgré la finesse d’exécution de cette œuvre, il a pu être noté quelques maladresses dans le traitement des perspectives et la dureté exprimée par le visage de sainte Elisabeth. Cela laisse à penser que l’œuvre a pu être réalisée par l’un de ses élèves, les peintres faisant partis de l’école dite « des Pointus » - surnom donné en référence à l’enseignement du maître qui portait entre autres sur les angles et les pointes. Il pourrait s’agir par exemple de Jean-Baptiste Despax (1710-1773), qui a représenté une Vierge avec un profil similaire dans la Présentation au temple conservée au musée des Augustins à Toulouse.


L’opération de restauration

La restauration de l'œuvre a été effectuée par Roger Carli et a permis de la regarder plus en détail, de manière à proposer cette attribution à des élèves de Jean Restout. L’opération effectuée entre 2004 et 2005 a porté sur la toile, le châssis et sur la couche picturale.

La Visitation : le tableau avant restauration
La Visitation : le tableau avant restauration

Avant l’opération, la peinture était en assez mauvais état. Elle rencontrait plusieurs problématiques : une contamination par des microorganismes, champignons et insectes xylophages. Le vernis s’était opacifié par endroits (ce qu’on appelle des chancis, qui provoquent des zones blanchies illisibles sur l’œuvre) et la peinture contenait de nombreux repeints, dus à d’anciennes interventions. L’intervention a permis à préserver l’œuvre : il s’agissait de remettre en état à la fois la peinture et son support.

Après désinfection de l’ensemble et un traitement en profondeur, le restaurateur a fixé et consolidé la peinture, nettoyé et décrassé l’œuvre, allégé les vernis, enlevé les repeints. L’œuvre a été rentoilé (ce qui consiste en l’ajout d’une toile de doublage afin de renforcer la toile d’origine) et posée sur un nouveau châssis. Le cadre en bois a également fait l'objet d'une restauration dans le cadre d’une autre opération portant sur les boiseries du chœur et réalisée en 2008 par les ateliers Mette.

A l’issue de la restauration par Roger Carli, qui a été effectuée dans l’atelier du restaurateur, l’œuvre a été l’une des premières œuvres accueillies dans le dépôt du Pôle patrimoine. La Visitation est ensuite retournée dans l’église Saint-Georges de Sonchamp, où elle se trouve toujours aujourd’hui.

Pour aller plus loin :


Dossier suivi par Cécile Garguelle, conservatrice des antiquité et objets d’art et responsable du PSTP.

Opération réalisée par Roger Carli, restaurateur agrée des Musées de France et des Monuments Historiques.

Article : Pamina Weité

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