Du tableau à la fresque : les œuvres du peintre Henri Marret à Fourqueux
Du tableau à la fresque : les œuvres du peintre Henri Marret à Fourqueux
La commune de Fourqueux abrite plusieurs œuvres du même peintre, Henri Marret (1878-1964). Artiste reconnu, dont les œuvres ornent plusieurs monuments du territoire, c’est à Fourqueux qu’il a vécu et installé son atelier. Les œuvres de Fourqueux sont représentatives de la diversité et de la créativité du peintre. Elles ont toutes fait l’objet d’opérations de restauration soutenues par le Département des Yvelines entre les années 2000 et 2010. Partons à la découverte de la présence encore visible de l’artiste dans la commune !
Henri Marret
Un peintre de Fourqueux
Henri Justin Marret est intimement lié à la commune de Fourqueux. Né à Paris, où son père exerçait comme bijoutier joaillier au Palais Royal, il grandit à Fourqueux. Il se marie en 1903, à l’âge de 25 ans, et habite Paris pendant plusieurs années. Il est mobilisé pendant la première guerre mondiale, période durant laquelle il est chargé d’organiser le camouflage de la deuxième armée française. Après la guerre, il s’installe à Fourqueux avec sa femme et ses enfants, dans la maison familiale dont il a hérité en 1917. Il y installe son atelier et s’engage activement dans la vie de la commune : il devient conseiller municipal en 1929, puis est élu maire en 1937. Il réalise plusieurs œuvres pour la ville ; l’église et la mairie de Fourqueux conservent aujourd’hui encore plusieurs de ses créations.
Un artiste aux multiples facettes
Henri Marret se consacre rapidement à sa vocation de peintre, dans laquelle il est encouragé par son père, lui-même artiste. Il entre dans l’atelier du peintre académique Fernand Cormon (1845-1924), puis devient également l’élève des peintres Eugène Thirion (1839-1910) et Ferdinand Humbert (1842-1934). Henri Marret obtient rapidement une certaine notoriété dans la sphère artistique : il reçoit en 1901 une mention honorable au Salon des Artistes français, puis une médaille au même salon en 1904. Il est lauréat de l’Institut de France en 1903, puis nommé en 1912 sociétaire et membre du Jury de la Société nationale des Beaux-Arts (qu’il présidera de 1948 à 1960).
Il va explorer différents médias : peinture à l’huile, aquarelle, dessin, gravure sur bois (qu’il pratique surtout durant la première guerre), et la fresque. C’est cette dernière technique qui est la plus importante pour sa carrière d’artiste. Formé à la technique de la fresque en 1912 par Paul Baudoüin, il va se spécialiser dans cet art à partir des années 1920 et va devenir l’une des figures majeures du mouvement du renouveau de la fresque au XXe siècle. Il enseignera la technique à l’Ecole des Arts Appliqués pendant près de vingt ans et va contribuer à sa diffusion en formant des artistes à cette technique et en réalisant lui-même de nombreux décors. Henri Marret est un artiste complet, capable d'élaborer l'intégralité de ces œuvres (support, mortier, cadre).
Les œuvres de Marret à Fourqueux
Les œuvres de Henri Marret conservées à Fourqueux sont représentatives des différentes facettes du peintre. Avec des thématiques et des techniques différentes, elles témoignent du style reconnaissable de l’artiste et de la diversité de son art.
Peintre paysagiste
Parmi les œuvres de Marret conservées à Fourqueux, il figure trois toiles aujourd’hui accrochées à la mairie, sans doute données à la commune lorsque l’artiste y exerçait une activité d’élu. Ces trois peintures, réalisées à des périodes différentes, sont représentatives de l’intérêt de l’artiste pour la représentation de scènes de la vie quotidienne. Dans chacune, Henri Marret fixe des lieux et des personnages familiers dans un style caractéristique : les paysages sont exécutés avec une certaine vivacité de la touche et des couleurs, dans des tons francs et avec une forte présence de la lumière dans la composition. Les personnages sont quant à eux relativement massifs, les traits du visage à peine esquissés. On peut voir dans ces œuvres la trace de la production plus intime du peintre, qui réalisait des paysages à l’aquarelle ou à l’huile à la manière de carnets de voyage. La part importante du trait et du dessin dans ses compositions peuvent par ailleurs être rapprochés de son activité de graveur et de l’influence du mouvement Nabi sur ses productions à l’huile. On peut par exemple constater l’usage de cernes sombres pour tracer le contour de certains motifs. En termes de technique, Marret dépose sa peinture en empâtements, de manière à créer du relief dans l’épaisseur de la matière.
Deux des tableaux ont été réalisés à la même période, vers 1908/1909 : « Chemin creux, Automne le matin » et « Dans les champs, temps d'orage ». Les deux œuvres présentent des sujets et des traitements très similaires, de scènes de vie rurales, en extérieur : le premier représente un homme et une femme dans une charrette tirée par un cheval, tandis que le deuxième représente une femme accompagnée d’enfants, revenant des champs. Elles ont fait l’objet d’une opération de restauration en 2008, effectuée par Ariel Bertrand.
Le troisième tableau, « Le puits de Fourqueux avec Annette », représente un lieu identifiable du village de Fourqueux (et sans doute également une personne particulière, comme le suggère le titre de l’œuvre). Le puits qui y est dépeint est situé dans un jardin du haut de la commune, dans un lieu qui permet d'avoir une vue plongeante sur le village où l'on distingue le clocher de l'église. C’est le cas sur le tableau de Marret, où les toits des maisons du village et le clocher sont visibles en arrière-plan. Au centre de la scène se trouve une femme qui ramasse du bois, près du puits. On retrouve ici une scène de vie quotidienne et de lieu familier, mais également un aspect décoratif : le peintre a encerclé sa scène d’une frise florale qui structure la composition. Cette frise comporte différents éléments : fleurs rouge et fruits (poires et pommes) positionnés sur une sorte de treillis bleu. La plupart des motifs du tableau sont cernés par des contours noirs. L’œuvre, non datée, est sans doute plus tardive que les deux autres ; elle correspond davantage au style de la production des années 1930 de Henri Marret. Le peintre exprime dans cette composition sa facette de fresquiste. L’œuvre a été restaurée en 2006 par Claire Buisson.
Une villa privée située sur le territoire de la commune, la villa Collin, comporte également des œuvres de l’artiste : des toiles décoratives représentant des scènes paysagères aux sujets proches des tableaux conservés dans la mairie. Les toiles de la villa ont sans doute été réalisées pour la demeure dès l’origine, Henri Marret étant ami et parent des propriétaires.
Peintre fresquiste
La technique de la fresque représente le pan le plus important de l’œuvre de Henri Marret. Il a en effet participé activement au mouvement de renouveau de la fresque, par son activité d’enseignant et par sa propre pratique et ses réalisations.
La fresque est une technique ancienne qui consiste à peindre avec des couleurs délayées avec de l’eau sur un enduit encore frais sur le mur, ce qui nécessite une certaine rapidité d’exécution. Elle est pratiquée depuis l’antiquité et sans interruption jusqu’au XVIIe siècle en France. Elle tombe ensuite dans l’oubli et n’est redécouverte qu’au tournant des XIXe et XXe siècles par des artistes qui souhaites revitaliser cet art monumental. Paul Boudüin en est le chef de fil, initiateur du renouveau de la fresque sur mortier frais. Henri Marret, qui est son élève et son ami, formera avec lui une nouvelle génération de fresquiste avec la création de l’Ecole d’Arts Appliqués en 1923. L’exposition des Arts décoratifs de 1925 traduira le succès que rencontre cette technique à l’époque.
Dans la pratique, cette technique nécessite plusieurs étapes : une première couche de mortier assez rugueuse est étendue sur la maçonnerie, l’esquisse est dessinée sur cette surface, puis est appliquée une deuxième couche d’un enduit très fin (dont l’adhérence est assurée par les aspérités de la première couche). C’est sur ce deuxième enduit qu’est réalisé la peinture. L’artiste doit peintre rapidement avant le séchage de cet enduit, de manière à ce que la couleur s’y incorpore et sèche dans le même temps. Si Henri Marret utilise des techniques traditionnelles (avec de la chaux aérienne ou grasse, composée de calcaire pur), il va également expérimenter et défendre de nouveaux matériaux comme le ciment ou la chaux hydrolique (une chaux comportant de l’argile).
Des peintures mémorielles
A Fourqueux, Marret a réalisé deux peintures mémorielles, des monuments aux morts. L’un, civil, se trouve dans la mairie ; l’autre dans l’église.
Le monument aux morts de la mairie n’est pas daté mais aurait selon la tradition locale été réalisé après 1937, une fois le peintre devenu maire de la commune. L’œuvre commémore la première guerre mondiale, et est adressée « Aux enfants de Fourqueux morts pour la France » (comme cela est inscrit). Ultérieurement a été rajouté une référence à la seconde guerre, en bas de la peinture. Il ne s’agit pas d’une fresque mais d’un tableau réalisé à la détrempe (les pigments sont liés par des colles), une technique de peinture utilisée pour la fresque, sur une toile au grain épais. C’est une œuvre originale en raison de sa technique et de son support, dans laquelle on retrouve l’art de fresquiste de Henri Marret. Elle a été restaurée en 2010 par Claire Buisson.
L’autre monument aux morts, un memoriam, a été réalisé dans l’église de Fourqueux en 1922, sur la commande d’un abbé. Il est consacré aux soldats tombés lors de la grande guerre, et est situé au niveau de la façade occidentale de l’église. Il représente un Christ ressuscité dominant un champ de bataille après le combat. Le thème de la Résurrection du Christ est transposé à celui de la Résurrection des soldats tombés au champ d’honneur. D’un point de vue technique, les couleurs ont été appliquées sur un enduit frais à base de chaux aérienne. Quelques rehauts ont été appliqués à sec par la suite. La fresque couvre une surface d’environ 8 m2. Elle a été restaurée en 2010 par Corinne Prévost.
L’artiste réalise plusieurs mémoriaux d’église à cette période, entre 1922 et 1927, dont par exemple pour l’église Saint-Nizier de Troyes ou pour l’église Notre-Dame de Toussaint. Le travail de fresquiste de Marret est intrinsèquement lié à ses productions religieuses, la majeure partie étant réalisé avec cette technique, notamment pour des décors d’églises et des chemins de Croix.
Peintre religieux
Parallèlement au mémoriam (ou quelques années après), Henri Marret réalise pour l’église de Fourqueux un chemin de croix. Le peintre est associé dès le début des années 1920 aux mouvements d’art chrétien. Il rejoint la Société de Saint Jean en 1919 et participe à des expositions que cette dernière organise. Il va prendre part jusque dans les années 1930 à la reconstruction et restauration d’églises du nord de la France, en réalisant des décors. Il va également travailler avec Maurice Denis et contribuer au mouvement d’Art sacré, notamment pour le décor de l’église Saint Louis de Vincennes.
Le chemin de Croix de Fourqueux est constitué de 14 panneaux, majoritairement de format carré. Un chemin de Croix consiste en une évocation de quatorze moments de la Passion du Christ (généralement entre sa condamnation jusqu’à sa mise au tombeau). Henri Marret a utilisé la technique de la fresque pour réaliser ce chemin de croix, mais en la transposant sur des panneaux de ciment coulés dans des cadres en bois et peints en atelier. Les panneaux ont été restauré en 2007 par Corinne Prévost.
Henri Marret était un peintre d’envergure qui a pris part de façon active et a marqué la création artistique du début du XXe siècle en France. Ancré à Fourqueux, il a inscrit de façon durable son art dans la commune. Les productions qui y sont conservées témoignent non seulement de sa créativité mais aussi de la facette locale de l’artiste.
Dossiers suivis et documentés par Cécile Garguelle, responsable du PSTP
Article : Pamina Weité
En savoir plus :
Site de l'association des Amis de l’Œuvre d’Henri Marret
Henri Marret, « peinture à fresque sur chaux ou ciment », L'âge du ciment, bulletin technique de la société anonyme des chaux et ciments de Lafarge et du Teil, avril 1937.
Les choix de la mémoire, patrimoine retrouvé des Yvelines, Archives départementales des Yvelines, Paris, Somogy, 1997.
Marine Bayle, Éléonore Gueit, Évelyne Darque-Ceretti, Matthieu Horgnies et Marc Aucouturier, « La fresque sur ciment : un renouveau artistique », In Situ, 22 | 2013.