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Découverte du mois de Septembre

Des commodes rocailles à Saint-Germain-en-Laye : restauration de meubles du XVIIIe siècle

Les hôtels de ville peuvent conserver de beaux morceaux d’histoire. Celui de Saint-Germain-en-Laye abrite, entre autres, du mobilier ancien, dont deux pièces d’ameublement qui nous intéresseront ici : deux commodes de style rocaille, datées du XVIIIe siècle. Elles ont fait l’objet d’une restauration majeure entre 2022 et 2023. Cette opération a été soutenue par le Département des Yvelines et son pôle patrimoine. L’une des commodes a également fait l’objet d’un projet d’une apprentie restauratrice et a été présentée au concours du Meilleur apprenti de France !

Des commodes rocailles

Les deux commodes sont de style rocaille. Il s’agit d’un style du XVIIIe siècle qui touche aux domaines de l’architecture et des arts décoratifs. Il nait à la fin du règne de Louis XIV et est plus particulièrement associé à la période de la Régence (1715-1723). Ce style vient trancher les lignes droites et la symétrie qui étaient auparavant mis à l’honneur. Il se traduit par un goût pour une ornementation riche (parfois surchargée), en courbes et volutes, inspirée de formes naturelles (feuillages, coquillages et coraux par exemple).

Les deux commodes correspondent bien à ce style. Elles ont la forme populaire à l’époque de la commode « en tombeau ». Ce modèle doit son nom à son inspiration des tombeaux antiques. De formes volumineuses, les commodes en tombeau ont une silhouette courbée et ventrue, et une façade bombée. Elles possèdent généralement deux grands tiroirs surmontés de deux plus petits séparés par une partie fixe. Cette partie fixe, étroite et ornementale, cache parfois un tiroir secret ! C’est le cas de l’une de nos deux commodes.

Les estampilles

Les commodes de Saint-Germain-en-Laye comportent des marques qui offrent de précieuses informations : des estampilles. Il s’agit de marques apposées par un artisan, son nom ou ses initiales. Les estampilles permettent d’identifier, d’authentifier et de dater le meuble. Les maîtres ébénistes du 18e siècle signent de cette façon leur travail. Il est ainsi possible de retrouver l’auteur d’un meuble en effectuant une recherche dans les listes d’ébénistes répertoriés.

Les deux commodes possèdent chacune des estampilles :

  • L’une d’elle comporte l’estampille « Jean-François Lapie JME ». Jean-François Lapie (1720-1797) est un menuisier-ébéniste parisien qui a été reçu maître le 15 décembre 1763.
  • L’autre commode porte quant à elle l’estampille « F*F* » sur ses quatre angles. Il s’agit des initiales de François Fleury, un ébéniste parisien qui exerça rue Traversières au milieu du 18e siècle, jusqu’au début du règne de Louis XVI.

Les opérations de restaurations

Datant de la même époque, les deux commodes présentent des similitudes de style et de matériaux : bois, bronze doré (ferrures) et marbre (plaque). Toutefois, les bois utilisés ne sont pas les mêmes et chacune possède ses propres particularités d’ornementations – ainsi que des altérations spécifiques qui ont nécessité des interventions différentes.

Avant la restauration, elles présentaient également des problématiques similaires : empoussièrement et encrassement, quelques problèmes de structure (fentes, coulissage des tiroirs), altérations du placage (lacunes et soulèvements), absence de clef. L’opération a nécessité plusieurs interventions pour chaque meuble : dépoussiérage et décrassage des bois, des bronzes et du marbre, traitement des fentes et des placages, restitution des lacunes, retrait et remplacement d’anciens comblements de plaquage, retouches à la peinture, polissage, cirage, vernissage, création de nouvelles clefs, etc.

Nous vous proposons un retour en image des opérations de restauration réalisées par l’atelier KoPal et l’ébénisterie Michel Jamet.

Commode Lapie

La commode signée Lapie est essentiellement faite de chêne, avec des parties en résineux, et plaquée avec des bois de rose et de violette. Lors de la restauration, d’autres essences ont pu être utilisées : du peuplier pour la consolidation de la structure et du noyer pour une partie du comblement du placage (en raison de son aspect).

L’opération de restauration a été réalisée par Nelly Koenig (restauratrice), Sarah Fernandes (stagiaire) et Manon Schneider (stagiaire) de l’atelier KoPal.

Commode Fleury

La commode Fleury est composée principalement de sapin. Elle a été consolidée au fur et à mesure du temps avec du chêne, bois plus robuste. Elle est plaquée d’un frisage de palissandre de Rio. Les tiroirs sont ornés avec du bois de rose et de prunier. Lors de la restauration, du palissandre de Santos a été utilisé à la place du palissandre de Rio qui est une essence menacée et fait l’objet d’une protection internationale (liste A de la CITES ). Le bois de rose est également protégé mais il a pu être employé des essences issues de stocks anciens aux origines attestées.

L’opération de restauration a été réalisée par Tristan Desforges (restaurateur) et Héloïse Bonafous (apprentie) de l’ébénisterie Michel Jamet. Héloïse Bonafous a présenté ce projet et obtenu une médaille d’or au concours des Meilleurs Apprentis de France pour la spécialité Restauration de meubles anciens (région Ile-de-France).

L’opération de restauration a permis de révéler la beauté et l’intérêt historique de ces meubles. Actuellement non protégées au titre des Monuments Historiques, les commodes font l’objet d’un dossier visant à leur attribuer cette protection.

Les commodes seront à l’honneur lors des Journées du patrimoine 2023 : venez rencontrer les restaurateurs Tristan Desforges et Héloïse Bonafous qui présenteront leur travail au Musée Ducastel-Vera à Saint-Germain-en-Laye le samedi 16 septembre (10h30 / 14h30).

Opération réalisée par la commune de Saint-Germain-en-Laye avec le soutien du Département des Yvelines et son Pôle Sauvegarde et Valorisation des Patrimoines.

Avec l’intervention de :

- Atelier KoPal pour la commode Lapie : Nelly Koenig (restauratrice), Sarah Fernandes (stagiaire) et Manon Schneider (stagiaire)

- Ebénisterie Michel Jamet pour la commode Fleury : Tristan Desforges (restaurateur) et Héloïse Bonafous (apprentie)

Dossier suivi par Alexandra Zvereva pour la commune de Saint-Germain-en-Laye, Cécile Garguelle et Aurore Pierre pour le PSTP.

Article : Pamina Weité (PSTP)